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Qui pourrait se douter en regardant le paisible parc de “Kowloon Walled City” qu’existait autrefois un quartier réputé pour être le plus mal famé de Hong Kong ?
Pourtant, il y a plus de 20 ans, se dressaient des centaines d’immeubles bâtis dans une gigantesque cacophonie avant d’être rasés. Insalubre, sordide, dangereux, les descriptions de Kowloon Walled City n’ont pas toujours été tendres et je dois bien avouer que je n’en aurais sans doute pas mené large si j’avais eu l’occasion d’y pénétrer. Pourtant, Kowloon Walled City a quelque chose de fascinant qui m’a poussée à en savoir plus. Quelle est donc l’histoire de ce quartier unique ?
Kowloon Walled City trouve ses origines dans un contexte plutôt tendu, la guerre de l’opium (1839-1842) qui se solda par la défaite de la Chine et la cession de l’île de Hong Kong aux Britanniques. Cinq ans après, fut établi un complexe militaire chinois sur la péninsule, Kowloon Walled City. En 1898, les nouveaux territoires furent cédés à l’empire Britannique.
Bien que la Chine put garder sa souveraineté sur KWC en vertu de la Seconde convention de Pékin, les Britanniques y affirmèrent leur autorité. Le site tomba peu à peu en désuétude. Le coup de grâce intervint sous l’occupation des Japonnais (1941-1945) qui abattirent l’enceinte et en récupérèrent les pierres pour l’extension de l’aéroport.
Dans les années 50, des réfugiés fuyant la Chine communiste affluèrent à Hong Kong et s’installèrent dans ce qui restait de l’ancienne garnison.
En parallèle, le conflit opposant le gouvernement britannique à la Chine sur la question de la souveraineté allait faire de KWC un véritable no man’s land juridique aux allures de ghetto.
Les immeubles poussèrent les uns sur les autres. Immigrants chinois pauvres, médecins et dentistes sans autorisation d’exercer, KWC était devenu un abri pour les individus au ban de la société. Des fabriques, des commerces attirés par l’absence d’impôts firent leur apparition tandis que trafics de drogue et prostitution pullulèrent. A la fin des années 80, près de 33 000 habitants s’entassaient dans de minuscules appartements. L’étroitesse des ruelles, les constructions anarchiques voilant le ciel et la réputation malfamée du quartier lui forgèrent le nom de “City of darkness”. Pour couronner le tout, cette cité était située tout près de l’ancien aéroport Kai Tak dont les avions frôlaient presque les toits des immeubles…
Pourtant, au-delà d’un taudis à la densité extrême se trouve une autre réalité que m’a fait découvrir Suenn Ho, urban designer qui a étudié KWC. Un sens singulier de la communauté s’était développé dans cette cité. “Les habitants avaient appris à se tolérer et à tirer parti de cet environnement unique pour améliorer leur quotidien. Ils utilisaient les toits, les portes étaient laissées ouvertes derrière les grilles en métal pour faire circuler l’air ce qui permettait de socialiser avec son voisin depuis chez soi. D’une certaine façon, les frontières entre espace privé et public étaient brouillées. Nous avons tendance à voir KWC comme un freak show mais je pense que nous devrions regarder quelles leçons nous pouvons en tirer”, Suenn Ho.
Mais l’insalubrité et l’insécurité eurent raison de la cité. En 1987, le gouvernement annonça sa destruction. “Il a été très dur pour les habitants de quitter cet endroit pour différentes raisons : les gens devaient s’installer dans une ville où les loyers sont chers. Des familles de plusieurs générations qui vivaient ensemble à KWC, qui possédaient un business familial devaient désormais vivre séparément. Il ne s’agissait pas uniquement de déplacer des gens mais tout un mode de subsistance”, Suenn Ho.
Six ans plus tard, après de longues négociations portant sur l’indemnisation des résidents et une expulsion des habitants qui ne se fit pas sans douleur, les bulldozers sonnaient la fin de Kowloon walled City.
Découvrez KWC et ses habitants ici
Jess Bontemps @Histoiresacados
“Photo de Greg Girard. Retrouvez l’ensemble de ses photos de Kowloon Walled City dans son livre “City of Darkness Revisited” – http://www.greggirard.bigcartel.com – http://www.greggirard.com”