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Sauvés par le Kong #2 - SAUVÉS PAR LE KONG

Sauvés par le Kong #2

PETER PAN S’EST SUICIDÉ

“Ici l’éducation c’est l’excellence. A tout âge et surtout à n’importe quel prix. C’est bien simple un gamin qui rentre en 6ème c’est comme s’il s’entraînait pour les J.O”

George Dupont émerge d’un mauvais rêve. Un de ceux qu’il confondra plus tard avec la réalité. Des gosses parlant comme des adultes se foutent de lui et l’enjoignent de sauter… Il le connaît bien ce cauchemar, mais à chaque fois il se contente de sauter dans son jean.

Café bu, Ipad pris, b-a-ba d’une matinée dans l’élan. La bonne humeur revient, le retard la chasse. Une fois de plus il va devoir se battre contre la masse informelle du temps, gagner du terrain tandis que les minutes s’égrénent. Sur Caine Road il marque le pas dans une économie de mouvement qui s’avérera vaine.

Son retard transpire par tous les pores. 7/Clim’ Heaven/11. Il franchit le seuil du hâvre climatisé quand clinque le texto salvateur, inespéré. Rencard annulé. Il souffle et séche dans un de ces moments Nutella où tout s’accorde à être cool et en place. Remontant le volume de son Iphone il entend les rires enfantins et le décompte liminaire de Kids.

“You were a child, crawling on your knees toward him Making momma so proud…“

Sur son écran un push de News Republic annonce un truc sale de bon matin. Peter Pan s’est suicidé. George cesse de dégouliner. Le Nutella fond. L’humour redevient cruellement la politesse du désespoir.

Merde, même toi Robin t’y croyais plus alors… Sale temps pour l’innocence bronche Georges en ouvrant son sachet de Skittles, larme à l’oeil.

“Control yourself, take only what you need”

La veille lors l’un dîner arrosé – comprendre qu’entre la poire et le fromage les poncifs avaient balayé depuis super-lurette toute forme embryonnaire d’argument – les sujet de l’éducation, des enfants, de l’éducation des enfants furent abordés. Et d’abordage l’on plongea prestement dans la piscine à débordements du grand n’importe quoi.

“A Hong-Kong, l’éducation c’est l’excellence. A tout âge et surtout à n’importe quel prix. C’est bien simple un gamin qui rentre en 6ème c’est comme s’il s’entraînait pour les J.O. C’est formatage intense mais bon faut voir les résultats qui suivent aussi-hein-euh-attends-j’veux dire… Tiens repasse moi le Saint Nectaire…”

Jean Paul le lui soutenait “mordicus” et il avait lu plusieurs études sur le sujet. Ça partait mal. Georges aimait sournoisement entendre “mordicus” dans une discussion. Ça conférait un côté Harry Potter un peu con à l’interlocuteur. Comme toutes les locutions latines d’ailleurs, paravent de répartie des avocats, boucliers béats pour la curetaille.

Jean-Paul poursuivait. George souriait.

“En France c’est bien simple c’est le bordel… Y’a plus de notes, plus d’émulation, on a peur de les traumatiser ces petits êtres fragiles… Le bac pareil c’est donné… Regarde le petit Vivien il a même eu une mention alors qu’il est con comme une valise sans poignée…“

George suffoquait à la surface, Jean-Paul lui infligeait son waterboarding depuis près d’une heure. Il décidait donc de replonger dans ses années 90 à l’époque où ses maîtresses avaient instauré le deal “un 10/10 vaut une image Panini Olive & Tom ou un dalmatien en céramique”… Malgré ses bonnes notes il lui avait toujours manqué Tom alors que sa table de nuit dégueulait de clébards en statuette. Plus tard il avait conclu que les contrôles de Madame Le Bihan lui servaient clairement de vide-greniers.

George ne savait pas si c’était mieux avant, si les applis ludiques 2.0 valaient un bon vieux ballon-prisonnier, si parler trois langues à 8 ans vous préparait vraiment à aller vers les autres et quand il voyait dans quel état le port de l’uniforme avait rendu Avril Lavigne ou Bon Scott il préférait laisser ses inclinaisons passéistes de côté.

Il pensait juste qu’il ne fallait pas perdre ses illusions trop vite, que les gosses ont besoin de rêver à d’autre choses que planifier des plans de carrière. La réalité est déjà tellement violente pour un adulte. Isis love?

Enfin bon, Robin Williams s’était donné la mort, ça allait forcément être une journée de merde. Peut-être avait-il lu quelque part lui aussi que Neverland n’était en réalité rien d’autre qu’un cimetière dans le conte de J.M Barrie et que les enfants perdus ne vivaient que dans les souvenirs…

Même s’il le savait, il ne voulait pas y croire.

Sven Larsonn

wonderful artwork by Flying Rotten


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