Stage de Noël 2021 // Sauvés pour le bac de Philo




« Véritable bombe philosophique, le film Don’t Look Up! Déni cosmique (Adam McKay, 2021) s’impose d’emblée comme un pamphlet sarcastique contre le cynisme, le conspirationnisme et le néofascisme de notre temps. Deux astronomes découvrent une comète « tueuse de planètes » se dirigeant droit sur la Terre. Si aucun programme spatial de déviation n’est mis en place dans les six mois, tout va mourir – indubitablement. Nos astronomes tentent alors désespérément d’alerter la présidence, les médias, l’opinion publique, mais tous manquent d’échelle rationnelle pour prioriser ce danger, ou veulent en tirer profit. Afin de saisir la force de cette farce qui frappe si juste, il faut prendre conscience de l’ampleur des dégâts actuels dont le film fait la critique.
un conte philosophique redoutablement efficace pour nuire à la bêtise connective : Don’t Look Up!. Cadeau de Noël 2021 de Netflix, le film est une fable admirable sur le Deep Curse et ses conséquences funestes. Avec justesse et ironie, il décortique les agents de l’Envoûtement confusionniste qui frappe l’humanité en ce premier quart du XXIe siècle, ces vendeurs d’âmes avides de profits, soldats d’un néocannibalisme sans foi ni loi. Le bonheurisme – ce devoir-montrer-son-bonheur-à-tout-prix – en prend pour son grade : le LOL flou et compulsif, pathologie de la cybermodernité, a contaminé tous les supports audiovisuels, de la téléréalité aux talks-shows. On voit flou pour ne pas regarder. On rit flou pour ne pas penser. On sème le flou pour récolter les suffrages.
Elon Musk ou Steve Jobs sont parodiés sous les traits d’un gourou de la tech, jouant sur la cupidité tout-sourire et le cynisme mercantile. Trump prend les traits d’une présidente bouffie d’égo (sublime Meryl Streep), qui fait campagne sur le thème « Don’t look up! » (« Ne regardez pas en haut ! ») quand la comète devient visible à l’œil nu. Quant au terrible message des astronomes (Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio, magistraux), il sert de matière première à des millions de mèmes et de théories fumeuses qui le lacèrent, le dépècent et le recyclent, pour finalement le transformer en pluie d’opinions subjectives et contradictoires.
Climatosceptiques, antivax, négationnistes de l’Histoire ou paranos new-age : même combat. Toutes les « vérités » se valent dès lors qu’on les dégrade en opinions. Ainsi va le flou cybermoderne, notre Envoûtement Profond. L’ère de la post-vérité est l’ère d’Éris, déesse de la Discorde. Une discorde connective qui devra, à force de pédagogie, d’éducation et d’œuvres de cette teneur, laisser la place à une intelligence connective à inventer et propager. Il en va non de notre confort de consommateurs obnubilés, mais de la survie de l’humanité. Cette fable burlesque et tragique pousse à fond les curseurs du délire connectif. Tous livrés au même sort, les humains s’entredéchirent pourtant, et le déni – ce refus de défi collectif, cette peur des mains qui se tendent – sombre inexorablement dans l’absurde.