Diseuse de Fortune publié ! Trait d’Union, Magnum Photos, Sauvés par la Poésie / Sauvés par le Kong sont très heureux de s’associer pour vous offrir chaque mois une nouvelle page de poésie visuelle. Sur invitation de Trait d’Union, la prestigieuse coopérative photographique Magnum Photos sélectionne tous les mois pendant une année, une photographie issue de ses archives sur la thématique de l’Asie. Sous la plume de Sven Larsonn, Sauvés par la Poésie s’en empare poétiquement et vous en propose une transcription en rythmes et en rimes.
CHINA. Shenzhen. 2017. Street portrait. Christopher Anderson / Magnum Photos
Diseuse de Fortune
Temple Street Night Market – mars 2019
Elle prend ma main
je l’interromps
Nous – comment dire?
« Gens de misère et gens de rien,
Prenez mes paumes en vos mains
Voyez comme en lune calendaire
Mes psaumes devinrent vos lendemains »
D’encens et de cigares, ce sont des vertiges, des tumultes, des sortilèges exquis qui s’avoueront volutes.
Temple Street Night Market
A l’hémistiche et mieux,
Elle nous voit.
Nous,
deux par deux
sans se soucier
tout se souciant
du « à vrai dire ».
Là-bas au loin
Hong-Kong en mire
Ses amies sont
-comment ça va?
Hong-Kong en mire
Ne sommes plus seuls
car ses amies sont là.
Elle sourit lasse
nos mains s’esquivent
Mes yeux trahissent
Et l’ivresse vite
Bouleverse les mots
De crainte qu’ils
Ne se tarissent.
-Tu sais beauté, c’est trop risqué,
Ton mec saura, ces jeux-là sont, ces jeux-là sont – comment te dire?
– ne cesses-tu donc de t’inquiéter
Caresse-moi,
Pourquoi parler?
Presse toi de jouir.
Elle sourit vive, glisse à l’oreille et
Fait comme si de rien de rien n’était…
Car ses Mensonges, les Vérités
Sont au bout de ses doigts,
Pianotés,
Elle ne faillit pas de se sentir vivre
Elle a compris que l’automne est plus long que l’été.
« embrasse-moi embrasse-moi sur le qui-vive » – je jette sa tête en arrière et
Laisse advenir
Ce qui arrive.
Elle serre mes mains, elle vaticine.
Un jour enfin sans crier gare – Matthieu !
Elle aura le ton des reproches, l’amertume de l’aveu,
J’aurais vieilli je serai vieux,
– Ça fait un bail !
Et nous rirons sûrement,
Comme d’autres bâillent
Heureux…
Elle ne verra que les ratés,
Le grand gâchis,
Via l’à peu près
Du temps jadis.
Visions carmines
d’embranchées
De la saveur
Si purpurine
De ses lèvres d’alors…
L’à qui mieux mieux…
Ne cessera de répéter
« Souviens-toi de… »
Dès lors…
Nous aurons échangé nos rôles
j’aurai endossé l’imposture drôle
– mais bien sûr
De l’assurance trônée du Cador
Aux malignes blandices
Qui entretient le sort
Sans avouer ses vices…
Elle lâchera ma main…
« Gens de misère et gens de rien
Prenez mes paumes en vos mains
Voyez comme en lune calendaire
Mes psaumes devinrent vos lendemains »
CHINA. Shenzhen. 2017. Street portrait. Christopher Anderson / Magnum Photos